18 mai 2016 à 19h22 par Anthony MARSAIS

L'ancien commandant de gendarmerie avait placé une balise GPS sur la voiture de son épouse

Le couple était en instance de divorce…

RCA
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Un ancien commandant de la brigade de recherches de Nantes a été jugé mercredi par le tribunal correctionnel de Nantes pour "collecte de données personnelles par moyen frauduleux", après avoir placé une balise GPS sur la voiture de son épouse, avec qui il était en instance de divorce, pour pister ses déplacements.


La justice lui reproche aussi un "abus de confiance" : ce matériel lui aurait été "remis dans le cadre de ses fonctions", alors que l'intéressé soutient qu'il lui a été offert "par amitié" par un de ses contacts professionnels.


L'enquête à son encontre avait démarré à l'été 2014, après que son épouse ait été intriguée par leur échange de SMS : après qu'elle ait indiqué à son futur ex-mari qu'elle était bien arrivée avec leurs deux filles sur leur lieu de vacances en Bretagne, sans préciser lequel, il lui avait en effet répondu "Bonnes vacances à Trébeurden"... Elle avait alors alors conduit sa Citroën DS 3 chez un garagiste, qui avait découvert le traqueur caché dans l'essieu de la roue arrière gauche.


A l'audience, l'adjudant de 49 ans a dit avoir posé cette balise simplement pour savoir à quel moment le véhicule sortait du parking fermé où sa femme "persistait" à la stationner : il n'était accessible qu'avec sa carte d'abonné aux transports en commun nantais. Lui voulait absolument récupérer cette voiture - qu'il lui avait offerte un an plus tôt en guise de "réconciliation" - pour "éviter qu'elle ne fasse trop de kilomètres et qu'elle décote trop rapidement". Le moment venu, il aurait alors fait appel à un garagiste qu'il connaissait, pour venir "réencoder" sur place le système de démarrage...


COMPARE A MICHEL NEYRET


L'adjudant s'est par ailleurs défendu de toute "filature" clandestine : il dit avoir trouvé par hasard l'adresse de vacances de son épouse, en allumant l'ordinateur de la maison familiale : une "restauration de la dernière session d'utilisateur" aurait fait apparaître une carte sur le site d'itinéraires Mappy.


"Je suis venu plusieurs fois dans ce Palais de justice, notamment pour déposer dans le cadre d'affaires criminelles... Vous pouvez difficilement ressentir le sentiment de honte qui m'envahit aujourd'hui, en étant présent ici", a-t-il confessé d'emblée, devant les juges du tribunal correctionnel de Nantes.


Le parquet lui avait pourtant initialement proposé une Comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC), une procédure dite de "plaider-coupable", qui permet d'échapper à un procès public. Reste que le gendarme a gardé en travers la gorge les conditions dans lesquelles l'Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN), l'équivalent de l'IGPN de la police nationale, a mené l'audition du garagiste qui avait posé la balise.


"Ils sont descendus de Paris avec toute leur suffisance et le poids de leurs fonctions, en cherchant à appuyer là où ça fait mal", a-t-il critiqué. "Ils lui ont dit qu'il ne fallait pas qu'il se rendre complice de tout ça, et que tout le monde pouvait péter les plombs à tous les niveaux, en faisant allusion à un commissaire de police de Lyon (Michel Neyret, ndlr)..."


MUTATION D'OFFICE


"Ce n'est pas de gaieté de coeur que le ministère public requiert aujourd'hui contre quelqu'un qui a donné toute satisfaction dans le cadre de son service", a déclaré pour sa part le procureur de la République. "Mais il a manifestement dérapé, dans le cadre d'un conflit privé extrêmement banal devant nos juridictions."


Le magistrat a donc requis "au moins quatre mois de prison avec sursis" pour l'ancien commandant par intérim de la brigade de recherches. "Il a bafoué des principes importants, en violant la vie privée de son épouse et son droit à aller où elle veut quand elle veut", a-t-il résumé.


L'avocate du gendarme, pour sa part, a plaidé la relaxe de son client. "Il n'a ni enregistré, ni fiché, ni numérisé les données qui lui ont été envoyées par la balise... Il s'intéressait plus à la voiture qu'à ce que faisait son épouse", a-t-elle insisté. La balise GPS lui aurait par ailleurs été remise "dans un but publicitaire" par un vendeur d'une société aujourd'hui liquidée, comme pourrait l'être "un stylo ou une clé USB aux couleurs de la marque".


Cet "excellent professionnel" - dont les notes "feraient rougir de plaisir n'importe quel parent d'élève devant un bulletin de notes scolaire", selon son avocate - estime aujourd'hui payer son refus d'accepter la CRPC : depuis les faits, il est "cantonné dans un bureau", et s'est vu signifier mardi sa mutation dans une simple brigade territoriale.


Le tribunal correctionnel de Nantes, qui a mis son jugement en délibéré, rendra sa décision le 27 juin prochain./GF (PressPepper)

 


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