2 avril 2015 à 0h00 par La rédaction

Forte mobilisation des salariés du secteur social et médico-social ce matin à Nantes !

<p>2 400 personnesont marché pour dénoncer la dégradation de leurs conditions de travail.</p>

RCA
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2 400 salariésdu secteur social et médico-social ont défilé ce matin à Nantes entre lequartier République et l'Hôtel du département. Ils s'étaient rassemblés dès10h30 à l'appel de l'ensemble des syndicats devant les locaux du Service Socialde Protection de l'Enfance. C'est dans les locaux du SSPE qu'un éducateur âgéde 49 ans a été mortellement poignardé le 19 mars dernier, alors qu'ildéfendait une femme agressée par son ex-compagnon. Ce matin, les travailleurssociaux voulaient à la fois rendre hommage à leur collègue, mais aussi dénoncerleurs conditions de travail qui se dégradent. Ils travaillent « de plus enplus dans l'urgence. La charge de travail augmente d'années enannées avec des budgets de plus en plus contraints. Ils sont trop souvent lacible d'insultes, de menaces et d'agressions de la part des publics endifficulté qu'ils accompagnent. ».

Les salariés du SSPE ont égalementdiffusé une lettre ouverte que nous avons décidé de publier.

LETTRE OUVERTE DESSALARIES DE L'ASSOCIATION DU SERVICE SOCIAL DE PROTECTION DE L'ENFANCE

Jacques, notrecollègue, a été assassiné en sauvant une vie. Ce n'est pas un fait divers.Cette agression revêt également une dimension symbolique. Il n'était pas là parhasard mais dans l'exercice de ses fonctions, une rencontre médiatisée ordonnéepar le juge des enfants qui s'imposait autant à la famille qu'à notre Service.

Ces visitesmédiatisées se multiplient, à la demande des juges et depuis quelques années,alors même que nos infrastructures ne sont pas adaptées, et que nous ne sommespas un service dont cette mission serait la vocation première. Notre travailconsiste, sur ordonnance du magistrat, en l'accompagnement de familles où lesenfants sont soumis à une forme d'insécurité morale ou physique (article 375Code Civil). Nos interventions auprès des familles visent à une disparition, oudu moins à une atténuation de ces maux. Pour cela, nous les rencontrons le plusrégulièrement possible avec pour principaux outils la parole et le travail enlien avec des partenaires, ce qui permet de désamorcer la plupart dessituations où la violence est présente.

Nous alertons depuisplusieurs années les pouvoirs publics sur la dégradation de nos conditions detravail. Les personnes que nous sommes censés aider se trouvent dans dessituations de plus en plus précaires tant d'un point de vue psychique quefinancier. Nous nous retrouvons à devoir échanger avec des individus dont lacapacité à raisonner est parfois altérée, au sujet desquels les juges peuventdemander des expertises psychiatriques, et auprès de qui nous devrionspermettre un changement, une conscientisation des difficultés qu'ils génèrentchez leurs enfants.

Ces situations, dontchaque collègue peut donner un exemple, sont de plus en plus nombreuses et nousamènent à adapter nos pratiques, à accompagner l'enfant à composer avec unparent dont le rapport à la réalité est pour le moins défaillant. Nous sommesainsi parmi les derniers  professionnels à aller dans des endroits où lesservices de proximité (police, prévention�?�) et encore moins la psychiatrie encela qu'elle a été malmenée en termes de crédits ces dernières années (délaisd'attente, lits�?�), ne vont plus.

Nous sommesrégulièrement amenés, dans des situations déjà extrêmement dégradéeslorsqu'elles nous parviennent, à ne plus être dans la prévention mais dans lasuppléance de certaines fonctions parentales afin de préserver l'enfant dedysfonctionnements éducatifs. Il n'est malheureusement pas rare que cela nesuffise pas et nous devons alors solliciter l'éloignement du mineur de sonmilieu familial. Là encore, les solutions font défaut et il est fréquent qu'unplacement, ordonné par le juge des enfants sur la base de nos rapports, nepuisse être exécuté faute de place disponible et de moyens. Nous nousretrouvons alors dans une situation paradoxale, à devoir intervenir auprès defamilles qui savent que l'on a demandé l'éloignement de leur enfant, se sentantparfois disqualifiées et devant pour autant demeurer en contact et à l'écoutede nos discours.

Si elles nereprésentent pas la totalité de nos suivis, ces situations difficiles sont lesplus chronophages et impactent notre temps de travail auprès des familles oùnous pourrions simplement travailler dans le cadre de nos missions premières.Nous pouvons alors vérifier notre professionnalisme et nos savoir-faire au vude l'évolution positive de la majeure partie des suivis qui nous sont confiés.

Nous constatons ainsique nous �?uvrons pacifiquement dans une société de plus en plus violente etintolérante. Les laissés-pour-compte de ce système sont bien souventextrêmement sceptiques quant au bien-fondé de notre discours éducatif, queseule une relation de confiance établie dans une temporalité qui n'est pastoujours celle de la justice, permet éventuellement de dépasser. EnLoire-Atlantique, un travailleur social en AEMO suit 30 mineurs à flux tendu,souvent des familles recomposées, ce qui multiplie les déplacements et lesrendez-vous avec les acteurs de ces situations (familles, enseignants,partenaires médico-sociaux�?�). Et ce ne sont pas les cohortes de protocoles etd'obligations administratives, de rendus-compte qui s'imposent de plus en plusà nos professions, qui nous permettent de réaliser ce travail dans desconditions décentes, à être au plus près des personnes concernées.

Toutes ces contraintesne visent qu'à une lecture statistique du travail, qui nuit à sa qualité,celui-ci étant déjà fortement impacté en termes de temps par le nombre desuivis simultanés et les réunions essentielles au bon fonctionnement duService.

Nombre de noscollègues font état de leur passion pour leur métier mais aussi de leurépuisement compte-tenu des conditions dans lesquelles ils sont dansl'obligation de l'exercer. Alors que, comme le souligne Madame TOURAINE, noussommes « les maillons essentiels d'une société solidaire » au vu dudélitement du lien social dans notre pays et de la précarité en hausseconstante, les décideurs nous en demandent ainsi toujours plus sans nous donnerles moyens de faire face à ces situations, voire même en nous les restreignantfinancièrement parlant. Nos revendications, mesurées et rigoureusement tournéesvers une volonté de travailler mieux en direction des familles, de pouvoirremplir décemment nos missions ne sont pas entendues alors qu'elles sont lesmêmes depuis des années. Au-delà d'éventuelles revendications salariales (1250euros net pour un travailleur social en début de carrière !), nousréclamons aussi une baisse du nombre de mineurs suivis pour un plein temps(baisse déjà prévue au schéma départemental mais non respectée), moins decharges administratives qui ne nous concernent pas, plus de temps depsychologues (420 mineurs pour un plein temps actuellement) et des conditionsmatérielles adaptées aux besoins de nos missions. Ceci permettrait égalementaux personnels administratifs et cadres d'être en partie soulagés d'une chargede travail extrêmement lourde.

Il est d'ailleursintéressant de constater les disparités au niveau du territoire, les servicesde milieu ouvert bénéficiant de moyens allant quasiment du simple au doubleselon leur localisation. Le Conseil Général de Loire-Atlantique et les créditsqu'il nous octroie pour exercer notre profession nous fait ainsi apparaîtreparmi les moins bien lotis à ce sujet.

Nous sommes un servicede protection de l'enfance et nos revendications vont essentiellement dans cesens : nous demandons  à pouvoir exercer notre profession dans desconditions nous permettant tout simplement de remplir nos missions, ce quiparaît aujourd'hui impossible au vu du ratio mineurs/travailleur social, desproblématiques de plus en plus complexes que nous rencontrons (maladie mentale,structures familiales nouvelles�?�), du délaissement du secteur psychiatriquedont nous subissons les conséquences par ricochet, des contraintesadministratives dont nous interrogeons parfois le sens et du manque de place enétablissement ou en famille d'accueil permettant de protéger les enfantsconcernés.

Les pouvoirs publics,à l'inverse des médias nationaux, ne peuvent rester sans réaction face àl'assassinat de notre collègue qui fait tragiquement écho aux conditions danslesquelles nous exerçons nos missions.

Nous demandons à êtrereçus prochainement par les pouvoirs publics avec l'ensemble des services dumilieu ouvert du département.

Les salariés del'Association du Service Social de Protection de l'Enfance à Nantes.

salariesprotectionenfance44@gmail.com


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